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Faut pas faire médecine quand on a la guigne...
11 mars 2013

Motif d'admission: agitation et agressivité.

Les motifs d'admission des patients aux Urgences ne correspondent pas forcément à la réalité. Tout n'est souvent que question de point de vue...
Ainsi, le vendredi est fréquemment source de "maintien à domicile impossible" de patients âgés dont la famille fait le forcing. Le médecin généraliste, souvent dépassé et débordé, botte en touche à l'accueil des Urgences sur une "altération de l'état général". C'est un grand classique, tant de fois vu et revu.

J'ai eu droit à une variante bien cocasse. Appelée par l'urgentiste en vue de l'hospitalisation d'un patient âgé "extrêmement agressif", qui s'en serait "violemment pris à la veilleuse de nuit de la maison de retraite", je me suis entretenue avec le patient en question pour voir de quoi il en retournait.

Dans le box, Mr N. Hervé est allongé sur un brancard, des contentions aux mains. Il me lance un regard noir.

"- Quoi, vous êtes venue me faire une piqûre? Votre collègue a dit que l'on m'en ferait une si je ne me calmais pas".

"- Non chef, je suis venue discuter avec vous pour savoir pourquoi vous êtes à ce point contrarié. Racontez-moi ce qui s'est passé."

"- A quoi bon? Personne ne veut m'écouter. Ils croient tous ce qu'a écrit cette petite c*******. Attendez un peu que je retourne à la résidence, elle va voir ce qu'elle va voir!"

" - Elle a dû faire quelque chose qui vous a drôlement remonté hein! Allez, je vous écoute. Qu'est-ce qu'il y a eu?"

Histoire de mettre en confiance Mr N. Hervé, je décide de lui défaire ses contentions au poignet, non sans une certaine appréhension de me prendre un coup.

"- Cet après-midi, mon fils et ma belle-fille sont venus me voir pour mon anniversaire. Ils ont apporté du gâteau et du champagne. Forcément, le soir venu, je n'avais guère faim. Et mon cachet pour dormir, je savais que je n'en avais pas besoin parce qu'avec le champagne, je me sentais déjà bien fatigué.
Je n'ai pas fini mon plateau du soir, et j'ai dit à l'infirmière que je ne prendrais pas le cachet.
Et vers 21h, cette petite c******* de veilleuse de nuit..."

Mr N. Hervé se relève si brutalement de son brancard, que j'ai peur de le voir m'en coller une. En fait non, il continue ses explications.

"- Cette petite c******* est venue toquer à la porte à 21h. Forcément, j'étais déjà en train de dormir! Elle est rentrée dans la chambre avec le plateau repas pour me dire de manger. Mais moi je n'avais pas faim! Et elle a vu le petit cachet blanc pour dormir sur la table de chevet, donc elle s'est énervée après moi pour que je le prenne! Elle m'a tellement agacé à gesticuler dans tous les sens et à me donner des leçons, que je lui ai lancé le bol de potage à la figure!"

Je ne peux m'empêcher de sourire, en m'imaginant la veilleuse de nuit enduite de potage, canalisant sa colère en appelant les pompiers pour faire hospitaliser le résidant.

La prétendue agressivité de Mr N. Hervé ayant trouvé là une explication rationnelle et bien compréhensible, j'informe mes confrères urgentistes de la situation et leur explique qu'il n'y a pas lieu, à mon avis, de faire hospitaliser ce patient. Lequel peut donc retourner à sa maison de retraite.

Bien sûr, je ne me suis pas privée du plaisir d'appeler la veilleuse de nuit pour lui expliquer ma façon de penser. Non mais! 

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Commentaires
V
Bonne prise en charge! Personne n' aurait écouté ce monsieur et sa version des faits à lui.. il serait certainement resté encore dans sa situation de "patient agité" non justifié... Et ce, d'autant que , malheureusement, on a tendance à écouter le personnel des maisons de retraites plus que la personne hospitalisée dans ce cas là.
Faut pas faire médecine quand on a la guigne...
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