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Faut pas faire médecine quand on a la guigne...
27 septembre 2012

Le Dr Loose découvre l'approche rogérienne.

Aujourd'hui, j'ai appris qui était Carl Rogers.
Je m'endormirai donc plus instruite ce soir de quelques bribes culturels, que je pourrai caser lors d'une occasion mondaine. J'espère que je n'aurai pas oublié d'ici-là, les mondanités ne sont pas monnaie courante à Châteauvieux-sur-Fleuve.
Enfin, ne crachons pas dans la soupe. Deux collègues sexagénaires nous ont déjà invités à souper.
De même que le propriétaire septagénaire de la maison que nous louons, qui a pris soin de me détailler tous ses ennuis de santé. Je n'aurais pas dû mentionner ma profession; peut-être aurions-nous pu avoir d'autres thèmes de discussion: bals musette, loto, Derrick...

elderly

Aujourd'hui donc, une infirmière libérale rencontrée au hasard d'une formation m'a parlé de mes clients. J'ai été si étonnée de l'emploi de ce terme, que j'ai cru qu'elle se trompait sur mon métier. Il m'a semblé bon de préciser afin qu'elle ne me prenne pas pour une psychothérapeute, une spécialiste en chirurgie esthétique ou une sexologue.
Mais en fait non. Tout au long de la journée, lors des échanges, elle n'a pas une seule fois mentionné "le patient". Seul "le client" écorchait à chaque fois mes délicates oreilles.

A la fin de la journée, j'ai pu approfondir la conversation avec cette infirmière, fort sympathique par ailleurs (appelons-la Mme Commerciale). Elle m'a donc m'expliqué qu'au sein de son cursus, l'approche rogérienne (dérivant donc de Mr Carl Rogers) était largement diffusée, avec au premier plan cette notion de "client".

Je ne partage pas pour autant cette approche. Selon moi, le système de santé français ne positionne pas le malade en tant que client.
La plupart des patients français ont librement accès au système de soins français grâce aux cotisations sociales et la couverture d'une mutuelle. Ils n'ont peut-être pas la possibilité de se représenter les enjeux financiers de leur parcours de soins; et le fait d'être remboursé ou dispensé d'avance de frais biaise la relation.

Je ne parle pas des quatre à cinq millions de gens qui n'ont pas les moyens de payer une mutuelle et n'ont pas droit à la CMU. Ce sont pourtant eux, les vrais clients...

Dans ce système à la française, on assiste souvent à des dérives.
Par exemple, les transports en ambulance (je pourrais vous en faire des dizaines de notes, tellement c'est folklorique...).
J'avais pris un rendez-vous de consultation pour l'un de mes patients avec un spécialiste en ville. Ce patient bien portant (après avoir été soigné par le Dr Loose, s'entend) et valide, conduit encore sa voiture. Il était convenu qu'il aille par ses propres moyens à la consultation.
Quelle ne fut ma surprise d'avoir un matin, les ambulanciers d'une compagnie privée venus me présenter un bon de transport pour ce rendez-vous...
Je n'ai rien signé puisque cette demande ne venait pas de moi; le patient a dû payer lui-même les ambulances qu'il a appelées. Mais ceci reflète bien la méconnaissance du coût des prestations de santé.


Carl Rodgers est américain. Aux Etats-Unis, chacun paie au prix fort ses frais de santé. Cette notion de clientélisme est donc tout à fait pertinente et fondée outre-Atlantique. Et tout à fait inadaptée en France, où le patient serait en mon sens un "usager". Un usager, c'est celui qui utilise, bénéficie d'un système, à titre payant ou gratuit.

Il y a ce sempiternel décalage entre les mondes libéral et hospitalier. J'ai une activité de consultation à l'Hôpital de Châteauvieux-sur-Fleuve. Pour autant, que je voie un, neuf ou trente malades, le salaire que me verse l'hôpital sera toujours le même. Idem pour les heures supplémentaires si je vois un patient en dehors de mes horaires: je ne pourrai prétendre à aucune rémunération compensatoire.
Mme Commerciale, comme tous les libéraux, effectue des prestations au prorata desquelles se constitue son salaire.
Elle m'a d'ailleurs appris qu'un pansement complexe d'escarre, qui peut souvent traîner en longueur (une heure et demi à deux heures chez certains malades), était tarifé moins de 20€. Dix euros de l'heure, à la louche, déplacement compris. Le prix d'une manucure...


Dans sa pratique quotidienne, Mme Commerciale s'est donc approprié cette relation client - commerçant. Je ne porte pas de jugement de valeurs à ce propos: dans cette logique, le client est roi et sa satisfaction permet de toucher d'autres clients.
Au final, on se rejoint toutes les deux sur un point: peu importe qu'on l'appelle patient ou client, l'important est que le malade soit satisfait des soins qui lui sont prodigués.

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Commentaires
L
Si le mot "client" vous choque et que vous mettez derrière celui-ci un aspect purement commercial, c'est que vous n'avez strictement rien compris à la théorie de Rogers.
C
ahben moi j'aime bien le terme "client". Parce que ça responsabilise aussi la personne. Elle est partenaire de soins. Elle a besoin des infirmières, et les infirmières ont besoin des patients.<br /> <br /> Enfinc 'est un peu tordu, mais le jour où j'ai réalisé (au siècle dernier, quand j'étais étudiante infirmière) que "patient" et "passif" avaient la même étymologie, j'ai changé de vocabulaire! Il y a aussi "celui qui souffre" et qui vient encore du même verbe. Oui, un patient souffre, c'est clair. On va pas en rajouter une couche, non?<br /> <br /> Ceci dit, 13 ans après avoir cessé de travailler comme infirmière, je tombe par le plus grand des hasards (mon oeil!) sur ce blog... qui me rappelle des souvenirs! Et ne me fait nullement regretter d'avoir changé d'orientation professionnelle ;)<br /> <br /> Bonne continuation!!!
A
A l'inverse certain(e)s semblent remplis de bons sentiments en apparence et derrière tout ça, ce n'est que du vent. Je me méfie des gens trop lisses et des gens qui s'auto-proclament bienfaiteurs de ce monde. <br /> <br /> Donc même si le mot "client" me déplaît, rien à redire la-dessus, le fait qu'elle le dise la rend finalement honnête et l'excuse presque. Bref, c'est compliqué dans ma tête !
D
Je n'arrive pas non plus à parler de clients, je ne considère pas les patients comme tels. <br /> <br /> Mais après avoir lu quelques éléments de la théorie de Carl Rogers, et si tant est que la Mme Commerciale ait baigné dedans, je pense que ce terme est pour elle moins connoté péjorativement que pour nous. <br /> <br /> Elle m'expliquait aussi qu'elle disait à ses patients ce mot: "mon client", et qu'elle avait noté que l'emploi de ce terme leur permettait de se réapproprier la relation soignant-soigné en les mettant au coeur de la prise en charge et en leur donnant le droit de faire valoir leurs exigeances. A mon avis, ils n'ont pas besoin de ça pour le faire mais bon! ^^
A
Le mot "Client", je n'aime pas, vraiment pas.Ce terme me renvoie au notions de commerce, consommateur, marchandise, produits, négociation... Bref ça me chiffonne. Donc par pudeur, très certainement, et par respect dirons-nous je ne choisis jamais ce mot. Tout comme je préfère dire patientèle plutôt que clientèle mais bon question de point de vue. <br /> <br /> Sinon je pense qu'il est aussi préférable de parler médecine plutôt que du dernier Derrick avec nos chers clients euh... patients!
Faut pas faire médecine quand on a la guigne...
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