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Faut pas faire médecine quand on a la guigne...

19 avril 2013

De l'autre côté du miroir

Je me fais rare par ici. Un sens de la délation plus aigü m'aurait poussée à vous livrer comme responsables de ma désertion, la Caisse d'Allocations Familiales et l'Assurance Maladie. Je n'en ferai bien sûr rien.

Je vais vous parler à tout hasard de la CAF. En effet, le formulaire de déclaration de grossesse étant en plusieus volets pour la CAF et la CPAM, étant bête et disciplinée, je leur ai envoyé les documents demandés.
Je les ai rappelés à tout hasard pour pour savoir si j'allais avoir des sous de leur part, et s'ils avaient bien pris en compte qu'il y a avait deux enfants pour le versement d'éventuelles aides financières.

"- Ah non Madame, il faut nous joindre un certificat médical attestant que vous attendez des jumeaux".

"- Mais c'est ce que j'ai fait, je vous ai joint un certificat de gémellité. Vous devez l'avoir dans le dossier."

"- Oui c'est exact, mais ce n'est pas ce qu'il nous faut Madame, nous avons besoin d'un document spécifiant explicitement que vous attendez deux enfants."

Note pour moi-même: faire parvenir à cet agent un petit Robert, de préférence illustré.


Mais pour offrir un dictionnaire, encore faut-il en avoir les moyens. J'ai ainsi appris, candide que je suis, que l'absence de versement financier de l'hôpital sur mon compte ce mois-ci a une explication très rationnelle: le directeur des affaires médicales a omis de transmettre à la CPAM mon attestation de salaire, à partir de laquelle ils calculent mes indemnités journalières.
La CPAM a omis de s'en rendre compte, donc voilà comment plus d'un mois après, j'en suis à déplorer que la trêve hivernale ne puisse se prolonger jusqu'à fin avril... En effet, dès réception du document, il faut compter trois semaines à un mois avant versement des précieuses indemnités. Ô joie.


Nous pouvons rajouter à ces tracasseries administratives, une certaine aigreur à l'encontre du corps médical. Je comprends mieux le proverbe "ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse", en tous cas.
Suite à la confirmation d'un souci de santé chez l'un de mes boulets, le gynécologue-obstétricien en charge de mon suivi m'a annoncé qu'il m'enverrait en consultation spécialisée dans le CHU voisin de Big City.  L'ayant vu en consultation à une heure déjeûnatoire, il m'a dit qu'il appellerait Big City dans l'après-midi, et me contacterait pour me donner le jour et l'heure du rendez-vous dans la foulée.
Une après-midi passée le téléphone à proximité, histoire de bien irradier les boulets d'ondes nocives, aucun n'appel ne m'est parvenu. Pas plus que le lendemain, mon médecin étant absent. N'y tenant plus, j'ai rappelé le surlendemain en fin de matinée, pour apprendre qu'il avait oublié de les appeler... C'est donc jeudi en tout début de soirée que j'ai pu obtenir le rendez-vous tant attendu. J'aurais su, j'aurais appelé moi-même...

Après une longue attente empreinte d'anxiété, une fois à mon rendez-vous à Big City, j'ai commis un lapsus qui restera longtemps dans les annales. La spécialiste en médecine foetale que j'ai consultée aurait de bonnes raisons d'avoir des doutes sur ma profession...
L'un des boulets était pris en flagrant délit d'ouverture et de fermeture de bouche. J'ai donc candidement demandé s'il était en train de bailler, ou de déglutir son liquide céphalo-rachidien...
Regards ébahis de l'Homme Sweet Homme et de la gynéco.

"- Vous voulez dire le liquide amniotique?"

"- Ben oui, qu'est-ce que j'ai dit?"

Le Dr Loose ne connaît pas la honte.

De coups de fils surtaxés en déplacements laborieux à l'antenne locale de la CPAM, de creusement d'ulcère gastrique en majoration de contractions utérines, me revoilà.
Etre malade, ce n'est vraiment pas le pied...

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20 mars 2013

Je ne suis pas parisienne

"- Je ne suis pas parisienne, ça me gêne".
C'est ce que j'ai répondu à un chauffeur de bus parisien, après avoir essayé de composter un ticket RATP déjà utilisé dans le métro. Forcément, il m'a fallu en racheter un autre. Ils sont radins ces parisiens, quand même.
Le fait est que je ne connaissais pas l'intégralité des paroles de la chanson de Marie-Paule Belle. Contrairement au chauffeur, qui a été tout émoustillé par cette allusion.
"-C'était une sacrée coquine, dans la chanson. Comme vous, alors?"
Euh... S'asseoir au fond du bus est une excellente idée, tout compte fait.

Ma méconnaissance de la région Île-de-France, sa géographie, ses us et coutumes ne s'est pas démentie.
J'ai eu la désagréable surprise il y a quelques mois de voir débarquer dans mon bureau une visiteuse médicale que je rangerais dans la catégorie des pots-de-colle. Elle avait réussi à passer tous les filtres, ma secrétaire habituée à l'éconduire étant absente ce jour-là.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je l'ai quand même reçue, soupirant en mon for intérieur à l'idée de recevoir pour l'énième fois la même information sur le même produit, le laboratoire qu'elle représentait ayant sorti peu de nouvelles molécules.
En fait, que nenni! Le but de sa visite était tout autre.
"- Dr Loose, il me reste des places pour le congrès de la Société Française de la Loose Absolue à Paris le mois prochain. Seriez-vous intéressée?"

Quoi? Après tous ces mois de frustration où elle me répétait inlassablement que les médecins de Big City étaient prioritaires, elle pense enfin à nous, pauvres campagnards de périphérie?

C'est donc ainsi que je me suis retrouvée embarquée pour un périple de trois jours en région parisienne, le côté collant de la visiteuse ayant miraculeusement disparu. Ca sèche vite, la colle...

Une semaine avant l'évènement, l'Homme Sweet Homme ayant un déplacement professionnel prévu à Paris, m'a demandé où était l'hôtel qui m'avait été réservé. Je n'avais pas retenu le nom, juste la ville. Le transport étant prévu de porte à porte avec un agent du service évènementiel censé nous accueillir, je n'avais pas approfondi la question.

"- Je ne sais pas mon coeur, j'ai juste lu que c'était à Marne-la-Vallée Chessy..."

A ce stade, certains d'entre vous ont déjà identifié le lieu du congrès. L'Homme Sweet Homme aussi.

"- Ah oui, on ne se refuse rien... Et tu as vraiment prévu d'assister au congrès, ou tu vas profiter du parc?"

"- Le parc? Quel parc?"

"- Google est ton ami..."

Un pianotage sur le clavier plus tard, j'étais en train de danser comme une hystérique en chantant à tue-tête "It's a small world".
Je n'ai pas vraiment profité du parc, juste les boutiques de Disney Village histoire de ramener quelques bricoles à mes collègues. Mais se réveiller dans sa chambre d'hôtel avec vue sur Mickey Mouse, ça n'a pas de prix!

Quelques jours plus tard, je faisais mes offrandes de stylos-billes, dont un avec un Buzz l'Eclair tournoyant pour mon confrère le Dr Dark Vador.

"- Ah, tu es partie en vacances chez Mickey?"

"- Pas du tout, j'étais au congrès de la SFLA!"

"- Oui c'est ça, à d'autres... Prendre du bon temps dans un parc d'attraction en faisant croire que tu vas assister à un congrès, personne n'est dupe. Aie au moins la décence d'assumer!"

On ne m'y reprendra plus. Je lui apporterai une tasse "I Love Paris" achetée au Relay de la gare SNCF la prochaine fois...

i love rien

17 mars 2013

Pourquoi je n'aime pas les fax.

Mon début de grossesse a été folklorique, c'est peu de le dire...
Je me suis moi-même prescrit les analyses biologiques que l'on fait habituellement, la pénurie de médecins occasionnant des délais de consultation assez longs chez un gynécologue.
Ainsi, j'ai été de bon coeur un vendredi matin me faire prélever des sérologies en tous genres, et Bêta-HCG de contrôle, dans l'un des deux seuls laboratoires d'analyses médicales de la ville. Pour garder confidentielle ma grossesse, je ne souhaitais pas passer par le laboratoire de l'Hôpital.

Après une laborieuse séquence de ratage de veines (oui, il paraît qu'elles roulent), j'ai bien insisté sur le fait que j'étais le médecin ayant prescrit ces analyses, et que j'allais moi-même en personne venir les récupérer à 18 heures le soir même.
J'avais d'ailleurs pris soin de sortir une ordonnance informatisée depuis le logiciel utilisé dans l'établissement, en effaçant la partie concernant le numéro de fax (dans l'établissement, seuls les secrétariats et bureaux infirmiers en sont dotés).

L'après-midi, affairée à mon activité de consultations, je n'ai pu décrocher sur un appel reçu sur mon téléphone personnel vers 17h15. Je n'ai pris connaissance du message laissé sur mon répondeur à la fin de mes consultations, vers 17h35.

" - Allo, Dr Loose, c'est le Laboratoire; pour vous prévenir que je viens de vous faxer vos résultats de ce matin."

QUOI???????????????

J'ai vu rouge, de la fumée sortait de mes oreilles. Mon cerveau était en ébulliution. A quel numéro cette stupide créature avait pu faxer mes résultats?  Quels yeux indiscrets avaient pu s'y poser?

Folle de rage et d'inquiétude de voir ma grossesse possiblement ébruitée, j'ai rappelé le Laboratoire. La secrétaire, voyant mes taux de Bêta-HCG au plafond, avait jugé urgent de faxer au plus vite les résultats (oh oui, quelle grande urgence, vu que les taux étaient déjà en train de monter sur le bilan précédent fait dans le même laboratoire et mentionné en rappel dans les analyses...).
Mon insistance du matin, sur le fait que j'allais passer directement, n'avait pas été relayée apparemment.
La secrétaire pleine de bonne volonté avait appelé le standard de l'Hôpital, qui lui avait commuiqué comme numéro de fax celui du bureau infirmier du Service de soins. J'étais aux consultations, distantes de plusieurs kilomètres du site principal. J'ai opté, plutôt que de prendre la voiture et débouler comme une furie dans le Service, pour l'option "coup de fil à une amie". J'ai appelé ma collègue, le Dr Laguerrière, afin qu'elle récupère les précieux documets dans le fax.

J'ai eu de la chance, les infirmières de l'après-midi étaient fort occupées du fait de plusieurs entrées de patients; par ailleurs plusieurs documents étaient parvenus dans la machine, les feuilles me concernant étant en bas du tas.

"- Oh, félicitations Dr Loose! Je présume que tu souhaites garder cette information confidentielle. Evite de te faire faxer des résultats à tort et à travers si tu veux qu'elle le reste!"


J'ai donc pris le parti de changer de laboratoire pour mes piqûres mensuelles; et n'ai plus eu de problèmes de ce genre.

Cela m'interroge néanmoins sur le degré de confidentialité que l'on peut attendre des fax. Le personnel soignant est tenu au secret professionnel, mais jusqu'à quel point le respecte-t-il?
J'ai notamment en mémoire, en train de prendre un café au relais-H de l'Hôpital des Flots Bleus, des étudiants en médecine en train de discuter à haute voix du cas de patients dont ils citaient les noms, à portée de voix de visiteurs, familles de patients attablés à proximité.
Je me souviens aussi d'une secrétaire médicale ayant réceptionné par fax un compte-rendu d'hospitalisation concernant un membre de sa famille hospitalisé dans le Service, qu'elle a lu et qui lui a fourni des informations que celui-ci voulait garder secrètes; le médecin traitant désireux de bien faire en nous faxant tous les documents à sa disposition.

Vivement le dossier médical personnel, donc. Parce que 210 millions d'euros plus tard, prix de la confidentialité, il serait intéressant que l'on aboutisse à quelque chose...

11 mars 2013

Motif d'admission: agitation et agressivité.

Les motifs d'admission des patients aux Urgences ne correspondent pas forcément à la réalité. Tout n'est souvent que question de point de vue...
Ainsi, le vendredi est fréquemment source de "maintien à domicile impossible" de patients âgés dont la famille fait le forcing. Le médecin généraliste, souvent dépassé et débordé, botte en touche à l'accueil des Urgences sur une "altération de l'état général". C'est un grand classique, tant de fois vu et revu.

J'ai eu droit à une variante bien cocasse. Appelée par l'urgentiste en vue de l'hospitalisation d'un patient âgé "extrêmement agressif", qui s'en serait "violemment pris à la veilleuse de nuit de la maison de retraite", je me suis entretenue avec le patient en question pour voir de quoi il en retournait.

Dans le box, Mr N. Hervé est allongé sur un brancard, des contentions aux mains. Il me lance un regard noir.

"- Quoi, vous êtes venue me faire une piqûre? Votre collègue a dit que l'on m'en ferait une si je ne me calmais pas".

"- Non chef, je suis venue discuter avec vous pour savoir pourquoi vous êtes à ce point contrarié. Racontez-moi ce qui s'est passé."

"- A quoi bon? Personne ne veut m'écouter. Ils croient tous ce qu'a écrit cette petite c*******. Attendez un peu que je retourne à la résidence, elle va voir ce qu'elle va voir!"

" - Elle a dû faire quelque chose qui vous a drôlement remonté hein! Allez, je vous écoute. Qu'est-ce qu'il y a eu?"

Histoire de mettre en confiance Mr N. Hervé, je décide de lui défaire ses contentions au poignet, non sans une certaine appréhension de me prendre un coup.

"- Cet après-midi, mon fils et ma belle-fille sont venus me voir pour mon anniversaire. Ils ont apporté du gâteau et du champagne. Forcément, le soir venu, je n'avais guère faim. Et mon cachet pour dormir, je savais que je n'en avais pas besoin parce qu'avec le champagne, je me sentais déjà bien fatigué.
Je n'ai pas fini mon plateau du soir, et j'ai dit à l'infirmière que je ne prendrais pas le cachet.
Et vers 21h, cette petite c******* de veilleuse de nuit..."

Mr N. Hervé se relève si brutalement de son brancard, que j'ai peur de le voir m'en coller une. En fait non, il continue ses explications.

"- Cette petite c******* est venue toquer à la porte à 21h. Forcément, j'étais déjà en train de dormir! Elle est rentrée dans la chambre avec le plateau repas pour me dire de manger. Mais moi je n'avais pas faim! Et elle a vu le petit cachet blanc pour dormir sur la table de chevet, donc elle s'est énervée après moi pour que je le prenne! Elle m'a tellement agacé à gesticuler dans tous les sens et à me donner des leçons, que je lui ai lancé le bol de potage à la figure!"

Je ne peux m'empêcher de sourire, en m'imaginant la veilleuse de nuit enduite de potage, canalisant sa colère en appelant les pompiers pour faire hospitaliser le résidant.

La prétendue agressivité de Mr N. Hervé ayant trouvé là une explication rationnelle et bien compréhensible, j'informe mes confrères urgentistes de la situation et leur explique qu'il n'y a pas lieu, à mon avis, de faire hospitaliser ce patient. Lequel peut donc retourner à sa maison de retraite.

Bien sûr, je ne me suis pas privée du plaisir d'appeler la veilleuse de nuit pour lui expliquer ma façon de penser. Non mais! 

9 mars 2013

Je vais écrire au Directeur #1

Ayant eu l'occasion d'officier à la maison de retraite (EHPAD) de Châteauvieux-sur-Fleuve, je compte à ce jour trois courriers de réclamations adressés par des familles à M. Playmobil.
En pareil cas, il est de bon ton de se remettre en question: mon haut degré d'incompétence et ma cruelle absence d'empathie seraient-ils à ce point évidents? La lecture des différentes lettres m'a rassurée sur ce point: les problèmes soulevés ne relèvent guère de mon fait...

Mme Planteverte, âgée d'une soixantaine d'années, est hébergée au sein de l'établissement depuis maintenant un an, grâce à l'intervention d'appuis haut placés dont dispose sa fille.

C'est à dire que bon nombre d'établissements du département ont refusé de prendre en charge Mme Planteverte au vu de la lourdeur des soins requis. Elle a en effet été réanimée treize minutes après un arrêt cardio-respiratoire, il va de soi que son cerveau a peu apprécié l'épisode. Mme Planterverte est donc dans un état quasi-végétatif, devant sa survie à une alimentation par gastrostomie posée dans le Service d'amont; coquille vide restant dans la position où on l'a installée, incapable d'entrer en relation avec quiconque.
Elle est par contre capable d'exprimer certaines réactions, notamment à la douleur. Voilà pourquoi les aide-soignants ont arrêté de vouloir lui arracher les quelques poils qu'elle a au menton, comme beaucoup de personnes âgées. Il ne s'agissait pas d'une pilosité abondante, loin de là. Ils passeraient presque inaperçus.
Mme Planteverte n'a pas conscience de son apparence physique. Les soignants en ont vu d'autres et ne se limitent pas à quelques poils.
La famille, par contre, a davantage de difficultés avec le côté esthétique de la chose. Il faut y voir là beaucoup d'amour envers leur mère, personne auparavant coquette et bien apprêtée dont ils veulent que son apparence actuelle corresponde autant que possible à ses habitudes antérieures. Mais cet amour égoïste est un vrai poison dans la relation avec le personnel de l'établissement.

Plusieurs altercations avec l'équipe ont été notées, toujours autour de cette problématique de poils. Nous avons expliqué à maintes reprises à la famille Planteverte, le sentiment des soignants: le fait que lui infliger cette douleur inutile n'était pas favorable à son confort. Rien n'y faisait.

C'est donc en toute logique que la fille Planteverte, personne antipathique nimbée de ses soutiens en haut lieu, a écrit une missive au vitriol à M. Playmobil, pour vanter l'absence d'encadrement médical de sa mère conduisant à une "atteinte à son intégrité corporelle et à sa dignité".
Le texte ne se suffisant pas à lui-même, elle a fait encore plus fort.

Elle a scotché au verso de sa lettre, quelques poils de menton qu'elle a arrachés à sa mère.

De toute évidence, elle souhaitait prouver que nous ne nous acquittions pas de notre tâche, la contraignant à pourvoir elle-même à ces "soins élémentaires" au vu de la somme importante dont elle s'acquittait mensuellement.

Outre un léger frisson en pensant au mauvais quart-d'heure qu'avait dû passer Mme Planteverte, qui avait réellement des réactions de retrait et de gémissements quand une épilation était tentée, j'ai été "scotchée" par ce détail peu ragoûtant.

Heureusement que les doléances de Mlle Planteverte ne concernaient pas le rythme de changement des couches de sa mère, hein...

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6 mars 2013

Palmarès des petites phrases assassines

Au sein de l'Hôpital de Châteauvieux-sur-Fleuve, rien ne reste caché bien longtemps.
Pas de souci au niveau du secret médical; les quelques confrères connaissant ma grossesse n'en ont pipé mot.
Par contre, au niveau administratif, c'est tout autre chose... Au vu des difficultés de recrutement, notre Hôpital n'attirant pas les foules, j'ai préféré avertir suffisamment tôt la Direction afin de faciliter mon remplacement.
Le 3 décembre, je faisais donc part au directeur adjoint, M. Averell, de ma situation.
Le 4 décembre, à la fin d'une réunion, l'assistante sociale de l'établissement me félicitait pour l'heureux évènement. Etant de par ses fonctions assez transversale et passant dans tous les services, je m'imaginais que la nouvelle s'était répandue dans tout l'hôpital. Je n'avais pas tort...

Depuis que ma situation est connue, j'en ai entendu de bien bonnes. Je vous en livre un petit florilège:

 

5) "C'est une grossesse naturelle?"
La première fois que l'on m'a posé cette question incongrue, je n'en ai pas compris le sens. Pour moi, toutes les grossesses sont "naturelles", à moins d'être la Sainte-Vierge Marie ou s'appeler Rosemary dans un film d'horreur des années 70.
En fait, il faut comprendre: "Vous avez suivi un traitement pour la fertilité? Parce que je sais qu'il y a beaucoup de jumeaux avec ces techniques là".

Venant de gynécologues ou de sage-femmes, je trouve normal que cette question soit posée. Venant de personnes que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam et que je salue à peine quand je les croise, ce genre de familiarités est quelque peu dérangeant.

A l'inverse, certains font preuve de davantage de subtilité:
" - Vous avez des jumeaux dans votre famille?"
Question piège par excellence: en cas de réponse négative, la présomption d'une grossesse non "naturelle" sera forte et pourra ainsi être propagée dans les couloirs...

 

4) "Vous allez accoucher à l'Hôpital de Châteauvieux-sur-Fleuve, n'est-ce pas?"
Celle-ci vient du Directeur en personne, M. Playmobil. J'ai manqué une occasion en or de le remettre à sa place: Radio Putes Couloir m'avait soufflé qu'il s'était lui-même fait opérer de la hanche au CHU voisin de Big City. Je lui ai donc rétorqué que je me fais tout autant soigner dans l'établissement que lui, pensant lancer là un trait impertinent et bien choisi.
C'est après que j'ai su qu'il s'était fait opérer sur place. Mon mot d'esprit a donc fait pschitt, à ma grande déception...

Outre la liberté de chacun de se faire suivre médicalement là où il le souhaite, je suis membre de la CME (Commission Médicale d'Etablissement), tout comme les gynécologues-obstétriciens de l'hôpital. Nous sommes donc amenés à nous voir régulièrement.
Le contexte d'un suivi de grossesse est ce qu'il est, pour autant je me sentirais extrêmement gênée d'avoir droit à un toucher vaginal de la part d'un collègue que je croiserais juste après en réunion ou dans un couloir. J'ai eu droit à une échographie endovaginale de la part de l'un d'entre eux un jour de contractions, et j'ai mis deux jours à m'en remettre tellement j'étais gênée. Dans ces conditions, autant limiter le stress et aller se faire suivre ailleurs, je pense.

 

3) "Vous allez allaiter bien sûr."
Dans le département où je réside (je ne sais pas si c'est également le cas ailleurs), toute déclaration de grossesse envoyée à la CAF déclenche le passage à domicile d'une infirmière puéricultrice. Le courrier ne mentionne pas l'éventualité que l'on puisse refuser cette visite, tout au plus la décaler si la date ne convient pas.

Au cas où cette intrusion cacherait un repérage précoce des parents "cas sociaux", incapables d'élever un enfant, j'ai donc mis à contribution l'Homme Sweet Homme pour au moins passer un coup de serpillière. Vu l'aspect post-apocalyptique du salon avant rangement, les deux boulets auraient été placés à la DDASS dès leur naissance...

Nous avons eu droit à une batterie de questions, sont-ce nos premiers enfants, avons-nous un travail tous les deux, depuis combien de temps habitons-nous à Châteauvieux-sur-Fleuve, etc...
Et là, est venue l'affirmation qui fâche. Pas une question, non: une affirmation.
"Vous allez allaiter, bien sûr".

Je m'estime suffisamment informée au sujet de l'allaitement. Pour autant, je place au dessus de mes convictions personnelles, le respect de la liberté de choix de chaque maman.
Le fait est que j'ai effectivement le projet d'allaiter les premiers mois; je me sais capable de me tromper dans le nombre de mesures de lait, voire de confondre le lait en poudre et le talc pour bébés en cas de fatigue extrême.
Mais ayant l'esprit de contradiction, je lui ai dit l'inverse; qu'ils allaient avoir droit au biberon. La tension était palpable...



2) "Vous êtes irresponsable! Vous ne pensez pas à vos enfants!"
Celle-là, c'est le Dr Calamity Jane, médecin du travail de l'établissement, qui me l'a sortie.
Au décours de l'entretien, elle a appris:
     1. Que mes vaccins n'étaient pas à jour, quelques mois de retard sur le rappel DT Polio.
     2. L'existence de Chat-Chiant dont nous partageons la maison.

C'est le coup du chat qui l'a fait sortir de ses gonds.

"- Vous n'êtes pas immunisée contre la toxoplasmose et vous gardez un chat à la maison? Mais c'est scandaleux! Vous êtes irresponsable! Vous ne pensez pas à vos enfants! Il faut vous en débarrasser au plus vite, de ce chat!"

Il faut savoir que la gynécologue qui suit ma grossesse ne semble pas s'offusquer de la présence du félin, avec lequel j'évite soigneusement tout contact.

Le Dr Calamity Jane m'a tellement remuée que j'en avais les larmes aux yeux en sortant de son bureau. Les fameuses hormones de la grossesse certainement.
Le Chat-Chiat est toujours à la maison et je suis très à l'aise avec cela, merci. Il faut juste qu'il apprenne à faire la sieste ailleurs que dans le transat que l'on nous a donné pour les enfants...


chat chiant transat

 

1) "Les grossesses de jumeaux, c'est fragile. Il y a très souvent des fausses-couches, ma fille en a fait une à presque cinq mois de grossesse."
Un tel concentré de méchanceté gratuite se passe de commentaires.

 

Rendez-vous dans quelques mois pour les stupidités que j'aurai certainement l'occasion d'entendre quand les enfants seront nés. Les jumeaux sont une source intarissable de remarques incongrues, parait-il...

5 mars 2013

Flash back sur cinq mois d'absence...

30 septembre 2012
Je postais ma dernière note de blog en date, pensant déjà à l'écriture de la suivante...

 

17 octobre 2012
En pleine rédaction d'un nouveau billet, j'ai expérimenté l'histoire du père de famille qui s'en va acheter des cigarettes au bar-tabac au coin de la rue, et ne revient pas. Mais qu'a t-il donc bien pu lui arriver?
Près de cinq mois après, il est grand temps de vous livrer la clé du mystère...

Vers 19 heures ce soir là, d'astreinte à l'Hôpital de Châteauvieux-sur-Fleuve, j'ai été appelée pour constater le décès, attendu selon l'infirmière, d'un patient âgé. J'estimais le temps nécessaire à cette formalité inférieur à une heure, le temps de mettre un mot dans le dossier médical du patient, remplir la paperasserie administrative et appeler l'entourage du défunt pour le leur annoncer.
C'est donc avec une insouciance quasi-enfantine que j'ai quitté la maison, précisant même à mon Homme Sweet Homme de m'attendre pour le souper.

Les choses ne se sont pas avérées aussi simples que prévu: le patient, appelons-le P. Pile, était en effet porteur d'un pacemaker. Dans mon parcours à l'Hôpital des Flots Bleus, c'étaient les agents du reposoir qui enlevaient la pile, histoire qu'elle n'explose pas en cas de crémation. La démarche est tout autre au sein de ce nouvel hôpital; il incombe au médecin constatant le décès de l'ôter.

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Pleine d'assurance nonobstant le fait que je n'aie jamais procédé à cet acte, je me lance dans la manoeuvre. Deux bistouris y sont passés, tant les tissus de M. Pile s'étaient sclérosés autour de la pile, compliquant d'autant son ablation.
Par ailleurs, pensant qu'il fallait enlever tout le dispositif, à savoir pile + câble, je me suis entêtée à vouloir tout enlever, tirant sur le câble telle une bourrine au risque d'extirper le ventricule gauche du défunt dans le même mouvement.

Ce qui devait arriver arriva: AES. Accident d'exposition au sang. La bonne coupure au doigt avec le scalpel. Et qui dit AES, dit procédure bien réglementée avec trempage de doigt au Dakin, descente aux Urgences pour prélèvement du bilan d'AES (sérologies HIV, hépatites B et C, tout ça).

Le temps de couper le câble avec des ciseaux (ce qui est d'ailleurs fait dans la majorité des cas), refaire quelques points de suture de propreté pour que M. Pile ait l'air décent et physiquement intact, me voilà aux Urgences de l'Hôpital pour la fameuse prise de sang. Hélas, l'affluence était au rendez-vous. Un match de rugby se jouait ce soir là avec plusieurs sportifs bien éclopés, les infirmiers des Urgences voletaient dans tous les sens. Il était 22 heures passées lorsque ma prise de sang a enfin pu être réalisée.

C'est donc avec joie que j'ai regagné ma maison, oubliant un léger détail pourtant fondamental...

 

18 Octobre 2012
Vers quatorze heures, j'ai reçu un appel du médecin du Service où était décédé le patient de la veille.

"- Oui bonjour Dr Loose, c'est toi qui était d'astreinte la nuit dernière pour le décès de M. Pile, quel membre de la famille as-tu contacté?"

"- .... Euh... en fait... et bien...  je crois que j'ai zappé, désolée..."

Grosses perlées de sueurs froides, papitations.

"- Non parce que j'ai le petit-fils qui vient d'arriver et veut des nouvelles de son grand-père..."

Après avoir terminé ma conversation avec mon collègue, m'ayant bien fait prendre conscience que mon côté tête-en-l'air n'était pas acceptable au vu des situations générées, je décidais de prendre connaissance sur le serveur informatique de l'établissement des résultats de mon bilan d'AES.

Sérologies négatives, Bêta- HCG à 34, NFS normale...

Euh... wait... Bêta- HCG à 34?? Alors ça veut dire que... hein?

Voilà donc comment j'ai été la quatrième personne au courant de ma grossesse toute débutante, juste après mes confrères du Laboratoire, et ma consoeur référente pour les AES que j'ai vu l'après-midi même et qui n'a pas manqué de m'en faire part...

J'imaginais dans le même temps, quelques années plus tard, l'enfant me demandant comment j'avais su que j'étais enceinte.
"-Et bien tu vois, je devais enlever un pacemaker à un patient décédé et..."
Mouais, très Dr Loosien tout cela...

 

20 novembre 2012
Je m'auto-prescris une échographie pelvienne (privilège du médecin en cloque), ayant des douleur abdominales récurrentes, imaginant je ne sais quel scénario catastrophe. La radiologue, un sourire amusé aux lèvres, me montre le moniteur de l'échographe: deux sacs, deux petites formes blanches avec un pixel qui bat au milieu. Non, pas des jumeaux quand même!
Si. Deux.


S'est ensuivie une période assez tourmentée, faite de nausées (du matin, du midi, du soir, de la nuit) à la Kate Middleton, de fatigue, d'inquiétudes, me coupant toute créativité artistique et me détournant du blog.
Les choses tendant à se calmer sur le plan digestif, je suis actuellement au repos à la maison pour des contractions utérines et j'ai un réel besoin de me changer les idées, l'un des petits ayant une anomalie à contrôler. J'en profite donc pour retrouver le droit chemin de l'écriture, et vous salue aussi bas que mon ventre de baleine échouée me le permette.

Contente de vous retrouver!

Dr Loose et ses deux boulets.

30 septembre 2012

Joies et tourments de la colocation

Dans la thématique du respect de la dignité du patient, il a été question des blouses d'hôpital cet été.
Ce détail m'avait effectivement gênée lorsque je suis passée de l'autre côté de la barrière il y a quelques années. Mais beaucoup moins que la promiscuité d'une chambre à deux lits.
Je parle là d'un ressenti qui m'est personnel. Face à la maladie et la monotonie d'une chambre d'hôpital, avoir quelqu'un avec qui échanger peut être positif. J'ai vu bon nombre de patients nouer de belles amitiés avec leurs camarades de chambrée, s'attrister du départ de l'autre, lui glisser ses coordonnées pou garder le contact. Oui, parfois cela se passe bien.
Tant mieux, au regard de l'exiguité de certaines chambres et de la proximité que cela implique...

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Quand j'étais jeune adulte, j'ai dû subir bénéficier d'une intervention chirurgicale. J'ai donc été pensionnaire pendant cinq jours d'une chambre à deux lits.

Jour 1.
J'ai été comme classiquement, hospitalisée la veille au soir de mon intervention. L'infirmière m'a préparée psychologiquement avant même d'arriver à la chambre.
"Le service est plein et nous n'avons pu vous mettre avec quelqu'un de votre âge. Mais rassurez-vous, la dame avec qui vous partagez la chambre s'en va demain."

Ma colocataire du jour avait dans les soixante-dix balais. Elle m'a bien précisé qu'elle était fatiguée et ne supportait pas le bruit, au cas où je n'aurais pas encore compris mon malheur.

Le soir venu, je n'ai pas pu regarder bien tard la télévision commune aux deux lits. Après avoir visionné goulûment "Questions pour un Champion" (commentaires passionnés inclus), puis les informations sur la première chaîne, ma voisine a émis le souhait de se coucher.
Le son de la télévision même très bas ne convenait pas; la lueur de l'écran la gênait. Ce soir là, j'ai eu droit à une extinction des feux à 20h30. C'était bien rude, j'en avais perdu l'habitude.
Je m'endormais plutôt vers 22 heures et ne me voyais pas rester dans la chambre à écouter ronfler ma voisine.
A l'époque, le téléphone portable commençait à peine son ascension, Facebook et Twitter n'existaient pas encore et je n'avais pas d'ordinateur portable. Dommage, j'aurais pu m'affairer à mettre à l'affiche la désagréable vieille dame.
J'ai donc pris mon baladeur à cassettes (oui, c'était le bon vieux temps...) et ai été m'asseoir sur l'un des sièges dans le couloir. J'ai été rejointe par quelques autres jeunes adultes désabusés et mal lotis.
Les aide-soignantes sont venues nous chasser peu de temps après. Il paraît que nos rires ont perturbé le sommeil d'autres patients qui ont sonné pour se plaindre.

Jour 2.
J'étais sensée me lever à sept heures pour une douche à la bétadine, cheveux inclus. J'appréhendais quelque peu ce réveil pour moi bien matinal.
En fait, c'était sans compter sur le quotidien d'un service hospitalier. Les soignants de nuit qui passent le relais à ceux de jour qui arrivent, les pas, les rires, les chariots que l'on pousse... Et ma voisine de chambrée qui était bien réveillée à six heures et a allumé la petite lampe au dessus de son lit.
Bref, j'étais réveillée.

Chemise d'hôpital à boutons pression. Bien faire attention en passant sur le brancard à ce que le brancardier ne voie pas ce qu'il y a en dessous. Bloc. Anesthésie. Froid. Salle de réveil. Faim. Retour à la chambre.

Bonne surprise: personne à côté de moi. Bonheur.

Jour 3.
Petite journée tranquille. J'ai expérimenté les joies de me faire aider à la toilette, étant encore trop mal en point pour la faire toute seule.
Le chirurgien est passé dans l'après-midi avec l'interne, visiblement satisfaits.
Les bonnes choses étant les plus éphémères, j'ai accueilli vers 17 heures ma nouvelle voisine de chambre.
Au moins, elle avait moins de quarante ans. C'est juste qu'elle ne parlait pas beaucoup. Tant mieux, elle n'a pas râlé sur le fait que je monopolise la télécommande.

Jour 4.
Le plus cauchemardesque de tous.
Lumière dans les yeux. Il est tôt. Ah oui, cinq heures du matin. Une infirmière extirpe mon bras de la douce chaleur des couvertures pour une prise de sang. C'est bref, mais j'ai quand même du mal à me rendormir.
Dans l'après-midi, ma voisine de chambrée a reçu la visite de sa famille. Une grande famille.
Huit ou neuf personnes qui piaillent, rient... L'un des enfants du groupe essaie même de s'asseoir sur mon lit. Je lui jette un regard noir, il s'abstient.
Vu l'exiguité de la chambre, mon malaise enfle. Je sors dans le couloir avec un bouquin en attendant qu'ils s'en aillent. Ce qu'ils ont fait, deux heures après.

Ma voisine a souvent besoin des infirmières la nuit, pour des antalgiques, l'aider à aller aux toilettes, tout ça. J'ai donc eu une nuit rythmée par ces activités.

Jour 5.
La quille.
Je n'ai jamais été aussi contente de rentrer à la maison...

 

Ma mauvaise expérience d'hospitalisation résume bien ce que je pense être le problème principal.
Maintenant, quoi proposer comme solutions?

Tirer le rideau sur ce problème ?
Les chambres doubles sont une nécessité, ne serait-ce que sur le plan économique et organisationnel. Simplement, aux USA ou au Japon, il y a une tradition du rideau de séparation qui permet de se "couper" de son voisin si l'on n'a pas plus d'atomes crochus que ça, ou si l'on veut juste rester au calme, en tête à tête avec sa maladie.
En France, on a des paravents que l'on met en cas de fin de vie en chambre à deux lits, mais les rideaux de séparation sont loin d'être la norme.

De même, concernant la superficie des chambres doubles. Lorsqu'il n'y a que la place d'une table de chevet ou d'un fauteuil entre deux lits, c'est beaucoup trop proche. Peut-être des normes sur les constructions des futurs hôpitaux, avec des chambres à deux lits plus vastes, seraient-elles appropriées.

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Il y a peut-être des choses à faire en ce sens...

 

Lutter contre les envahisseurs?
Dans des pièces aussi étroites, de surcroit communes, il est difficile de caser plus de cinq visiteurs.
La limitation des visites n'est pas forcément appliquée. Certaines infirmières n'osent pas recadrer, certains patients n'osent pas se plaindre et ne sont pas en mesure de sortir de la chambre s'ils sont gênés.
Je me rappelle avoir visité la compagne du Dr Prof après son accouchement. Les chambres doubles à la maternité sont à mon sens l'aberration suprême, tellement ces moments auprès de son enfant sont précieux, et la présence des proches indispensables. Ainsi, l'Homme Sweet Homme et moi sommes restés juste un quart d'heure, parce que la famille Prof avait déjà quatre visiteurs venus admirer leur petite merveille. Avec les visiteurs de la famille d'à côté, nous craignions de manquer d'oxygène...

Donc instaurer une règle des trois visiteurs maximum en chambre double et s'y limiter, ne serait pas inintéressant.

 

Améliorer le temps de cerveau disponible?
On n'imagine pas à quel point la télévision peut être source de frustrations et de rancoeurs. Avec un seul poste par chambre, il est exceptionnel d'obtenir un consensus de la part des deux patients en termes de choix du programme et d'horaires de mise en route du téléviseur. En général, on a un rapport de dominant-dominé avec l'un des patients qui monopolise la zapette et regarde ce qu'il souhaite; et l'autre qui subit, enrage, et va demander discrètement à l'infirmière d'intervenir.
En cette époque d'avancées technologiques, pourquoi ne pas développer l'installation de deux téléviseurs par chambre avec casques audio? Peut-être même dans un futur proche, aurons-nous des télévisieurs intégrés aux lits (ci-dessous, installation au CH de Valenciennes).

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Il ne me reste qu'à espérer avoir plus de chance lors d'une prochaine hospitalisation. Au pire, j'emmenerai mon pc portable histoire de commettre quelques notes de blog!

27 septembre 2012

Le Dr Loose découvre l'approche rogérienne.

Aujourd'hui, j'ai appris qui était Carl Rogers.
Je m'endormirai donc plus instruite ce soir de quelques bribes culturels, que je pourrai caser lors d'une occasion mondaine. J'espère que je n'aurai pas oublié d'ici-là, les mondanités ne sont pas monnaie courante à Châteauvieux-sur-Fleuve.
Enfin, ne crachons pas dans la soupe. Deux collègues sexagénaires nous ont déjà invités à souper.
De même que le propriétaire septagénaire de la maison que nous louons, qui a pris soin de me détailler tous ses ennuis de santé. Je n'aurais pas dû mentionner ma profession; peut-être aurions-nous pu avoir d'autres thèmes de discussion: bals musette, loto, Derrick...

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Aujourd'hui donc, une infirmière libérale rencontrée au hasard d'une formation m'a parlé de mes clients. J'ai été si étonnée de l'emploi de ce terme, que j'ai cru qu'elle se trompait sur mon métier. Il m'a semblé bon de préciser afin qu'elle ne me prenne pas pour une psychothérapeute, une spécialiste en chirurgie esthétique ou une sexologue.
Mais en fait non. Tout au long de la journée, lors des échanges, elle n'a pas une seule fois mentionné "le patient". Seul "le client" écorchait à chaque fois mes délicates oreilles.

A la fin de la journée, j'ai pu approfondir la conversation avec cette infirmière, fort sympathique par ailleurs (appelons-la Mme Commerciale). Elle m'a donc m'expliqué qu'au sein de son cursus, l'approche rogérienne (dérivant donc de Mr Carl Rogers) était largement diffusée, avec au premier plan cette notion de "client".

Je ne partage pas pour autant cette approche. Selon moi, le système de santé français ne positionne pas le malade en tant que client.
La plupart des patients français ont librement accès au système de soins français grâce aux cotisations sociales et la couverture d'une mutuelle. Ils n'ont peut-être pas la possibilité de se représenter les enjeux financiers de leur parcours de soins; et le fait d'être remboursé ou dispensé d'avance de frais biaise la relation.

Je ne parle pas des quatre à cinq millions de gens qui n'ont pas les moyens de payer une mutuelle et n'ont pas droit à la CMU. Ce sont pourtant eux, les vrais clients...

Dans ce système à la française, on assiste souvent à des dérives.
Par exemple, les transports en ambulance (je pourrais vous en faire des dizaines de notes, tellement c'est folklorique...).
J'avais pris un rendez-vous de consultation pour l'un de mes patients avec un spécialiste en ville. Ce patient bien portant (après avoir été soigné par le Dr Loose, s'entend) et valide, conduit encore sa voiture. Il était convenu qu'il aille par ses propres moyens à la consultation.
Quelle ne fut ma surprise d'avoir un matin, les ambulanciers d'une compagnie privée venus me présenter un bon de transport pour ce rendez-vous...
Je n'ai rien signé puisque cette demande ne venait pas de moi; le patient a dû payer lui-même les ambulances qu'il a appelées. Mais ceci reflète bien la méconnaissance du coût des prestations de santé.


Carl Rodgers est américain. Aux Etats-Unis, chacun paie au prix fort ses frais de santé. Cette notion de clientélisme est donc tout à fait pertinente et fondée outre-Atlantique. Et tout à fait inadaptée en France, où le patient serait en mon sens un "usager". Un usager, c'est celui qui utilise, bénéficie d'un système, à titre payant ou gratuit.

Il y a ce sempiternel décalage entre les mondes libéral et hospitalier. J'ai une activité de consultation à l'Hôpital de Châteauvieux-sur-Fleuve. Pour autant, que je voie un, neuf ou trente malades, le salaire que me verse l'hôpital sera toujours le même. Idem pour les heures supplémentaires si je vois un patient en dehors de mes horaires: je ne pourrai prétendre à aucune rémunération compensatoire.
Mme Commerciale, comme tous les libéraux, effectue des prestations au prorata desquelles se constitue son salaire.
Elle m'a d'ailleurs appris qu'un pansement complexe d'escarre, qui peut souvent traîner en longueur (une heure et demi à deux heures chez certains malades), était tarifé moins de 20€. Dix euros de l'heure, à la louche, déplacement compris. Le prix d'une manucure...


Dans sa pratique quotidienne, Mme Commerciale s'est donc approprié cette relation client - commerçant. Je ne porte pas de jugement de valeurs à ce propos: dans cette logique, le client est roi et sa satisfaction permet de toucher d'autres clients.
Au final, on se rejoint toutes les deux sur un point: peu importe qu'on l'appelle patient ou client, l'important est que le malade soit satisfait des soins qui lui sont prodigués.

17 septembre 2012

Le Dr Loose tente de nouvelles expériences #2

Je vous racontais précédemment comment je me suis vue refuser l'accès à un cabinet médical par une secrétaire zélée.
Personne ne résiste au Dr Loose. Le cerbère m'a donc laissée rentrer quand j'ai amorcé un mini-scandale devant le cabinet.
"Et les gens qui travaillent, ils font comment? Ils peuvent agoniser chez eux en attendant le lendemain?"

J'ai donc pu m'installer en salle d'attente, sous l'oeil courroucé et désapprobateur de la secrétaire. En même temps, vu l'heure tardive et si tant est qu'elle doive rester jusqu'au départ du dernier patient, bonjour les heures supplémentaires non défiscalisées!

Effectivement, six personnes attendent encore leur tour pour le speed dating médical.

18h36. L'un des patients rentre et ressort aussitôt. Il attendait depuis une heure et demi pour obtenir un certificat, le Dr Habituelle étant médecin expert pour la conduite automobile. La secrétaire a juste omis de lui préciser que ce n'est pas le cas de Yohanna qui la remplace. Il a l'air de ne pas trop mal le prendre, c'est déjà ça! Tant mieux, plus que cinq.

J'ai droit à un regard désapprobateur de Yohanna, me voyant en salle d'attente. Le message subliminal semble être "stupide créature, je serais venue te voir chez toi! Que viens-tu me rajouter du travail?". Je reçois cinq sur cinq et lui souris béatement.

18h37, la cinquième patiente rentre.

Je m'occupe en lisant les quelques revues à disposition. Le Dr Habituelle a des lectures très culturelles, quand même. "Géo", "Lire", "Maisons et Décors"... Pas la moindre trace d'un "Glamour" ou d'un  "Jeune et Jolie". Quelle déception!

Je n'ai pas le temps de brasser mon ennui très longtemps. Voilà la secrétaire qui revient à la charge. Apparemment, elle n'a pas goûté mon forcing et regrette peut-être d'avoir cédé.

" - Non mais vous savez, c'est important de respecter les horaires. C'est le Dr Habituelle qui l'a instauré, parce que les gens qui consultent le soir, c'est souvent la même chose. C'est pour des choses pas urgentes qui auraient pu attendre, des certificats, des arrêts de travail, des histoires comme ça. C'est pour cela qu'on ferme la porte, il n'y a que des problèmes sociaux qui arrivent. Le Dr Habituelle fait beaucoup de choses pour arranger les patients, sa remplaçante peut faire pareil, si vous avez besoin elle peut vous faxer une ordonnance directement à la pharmacie ou au laboratoire. Vous venez pour quoi?"

Non, sans blague! Elle doit vraiment me prendre pour un cas social, celle-ci. Elle a bien mérité que je lui réponde sèchement que cela ne la regardait pas.

Tout compte fait, ces magazines sont drôlement intéressants... Je me replonge avec intérêt dans ma lecture. La secrétaire indélicate, dépitée, retourne à son bureau.

La cinquième patiente était en fait accompagnée de son mari et de son fils. Quand elle ressort enfin à 18h58, deux personnes s'en vont avec elle. Restent donc deux patients avant moi.

19h03, l'avant-dernier patient s'en va et c'est enfin le tour de la dernière patiente.
L'avant-dernier est un grand fan de Yohanna, il lui a même laissé un papier sur son pare-brise avec son numéro de téléphone un jour. Il revient donc la voir dès qu'il sait qu'elle remplace, parfois sans réel motif. Ce ne devait pas non plus être très grave cette fois-ci, vu le côté éclair de sa venue...

19h15, le temps de finir de compulser un troisième exemplaire de Géo, et Yohanna vient me chercher.
Elle râle comme prévu, parce qu'elle m'avait envoyé un sms à 18h pour me dire qu'en raison de la forte affluence, elle me conseillait de venir un autre jour. J'en ai pris connaissance juste en arrivant au cabinet, dommage...

Au final, quand on passe son temps à s'occuper de la santé des autres, cela fait un bien fou de se recentrer sur soi. Expérience très concluante. Après avoir ausculté, écouté, rassuré des centaines de personnes (milliers?), se faire rendre la pareille est toujours agréable. On m'a donc pris la tension, écouté le coeur et les poumons, regardé avec soins les tympans... Mieux qu'une Smartbox!

Je ne prendrai pas le Dr Habituelle comme généraliste par contre. Sa secrétaire risque de me blacklister...

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Faut pas faire médecine quand on a la guigne...
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